28 mars 2024

Vous avez dit PAYET ?

Cela ne vous aura pas échappé, la France est à la fête depuis que Dimitri PAYET, ce joueur de football réunionnais, a marqué le 2ème but de l’équipe de France à la 89ème minute. Il sauve l’équipe d’un match ennuyeux – pour la première partie du moins ! – et d’une égalité embarrassante pour la suite.

Dimitri PAYET est né le 29 mars 1987 à Saint-Pierre de la Réunion et fait partie de la très très grande famille PAYET de l’île. C’est aujourd’hui le nom le plus porté à la Réunion, devant GRONDIN en 2ème position et HOARAU en 3ème position. D’ailleurs, même ceux qui ne s’appellent pas PAYET ont des ancêtres PAYET, difficile d’y échapper ! Ainsi, mon arrière-grand-mère maternelle s’appelait Marie Elisenne PAYET et mon arbre généalogique ne compte pas moins de 1 176 PAYET. Il en est de même pour une majorité de réunionnais.

Mais que ce soit mon arrière-grand-mère, Dimitri PAYET ou encore l’humoriste Manu PAYET, tous descendent d’Antoine PAYET dit La Roche, arrivé sur l’île Bourbon (ancien nom de la Réunion) vers 1674. On le dit originaire de Saint-Prim en Isère, mais depuis quelques années une autre théorie le donne originaire de Saint-Priest-la-Roche dans la Loire. Beaucoup de généalogistes amateurs se sont cassés les dents en le recherchant en Isère. Il n’y avait rien, que ce soit avant ou après sa date approximative de naissance, à savoir 1640. A l’origine, l’information selon laquelle il serait originaire de « Saint-Prim » ne se trouve pas dans un quelconque acte de baptême, de mariage ou de décès, mais dans le compte-rendu d’un procès dans lequel il est cité comme témoin.

Photo extrait compte rendu Procès

Transcription :

Déclaration faite par Anthoine Payet habitan de St-Paul, Isle Bourbon, natif de la parroisse de St Prix[?] en Dauphiné, âgé d’environ quarante sept ans, contre Mons[ieu]r Habert de Vauboulon, Gouverneur de lad[ite] isle. Du 23 décembre 1690.

Puisque les recherches sont restées vaines à Saint-Prim, il faut considérer qu’il ne s’agit donc pas de la paroisse de Saint-Prim, mais d’une autre…Une erreur de transcription peut ainsi être recopiée et circuler d’années en années sur les sites de généalogie. Je vous invite d’ailleurs à lire les investigations passionnantes menées par des généalogistes au sujet d’Antoine PAYET :  sujet: http://payet.voyeaud.org/Recherches.php

Ils découvrent que Saint-Prim et Saint-Priest s’écrivent exactement de la même façon : Saint-Prix !

Carte Saint-Prix

Ils se concentrent donc sur la paroisse de Saint-Priest et retrouvent plusieurs PAYET ou plutôt plusieurs FAYET nés au cours de la période considérée. Une simple recherche sur les registres paroissiaux des Archives Départementales de la Loire nous permet de trouver sous la référence 3NUMRP2/1MIEC278X1 l’acte suivant :

Acte Baptême Antoine PAYET 1637 Saint-Priest-la-Roche

Transcription : 

Le dernier de May 1637 par moy curé soubz[ig]né en l’Eglise de Saint Priest La Roche, a esté baptisé Anthoine, filz de Barthellemy Fayet et Magdelayne Capitant, sa femme dans St Priest. Ont esté ses parrain et mar[rai]ne Anthoine Capitant et Lydon de St-Paul de Vezellin.

Sans plus d’informations sur la filiation d’Antoine PAYET de l’Isle Bourbon, il n’est pas certain à 100% qu’il s’agisse du même individu trouvé dans le département de la Loire. Cela reste une hypothèse mais le surnom « La Roche » qu’on lui connaît dans l’île tend plutôt à la conforter.

De plus, ledit Antoine FAYET baptisé en 1637 n’a pas laissé de trace à Saint-Priest par la suite. Contrairement à son frère, Jehan, on le voit ni se marier, ni mourir dans la paroisse. Les PAYET de la Réunion devraient-ils donc s’appeler FAYET ? Remarquez, si l’on s’engage dans cette voie, les CLAIN devraient aussi dans ce cas s’appeler SEKELING du nom de leur ancêtre hollandais…

Pour en revenir au parcours d’Antoine PAYET, il est considéré comme l’un des plus anciens colons de l’île. Il a servi auparavant comme soldat de la Compagnie des Indes à Madagascar et aurait fui Fort Dauphin pour l’île Bourbon vers 1674 après les révoltes des malgaches contre les colons français. Je mets ici le conditionnel car certains généalogistes penchent plutôt pour une arrivée de PAYET en 1676 sur le navire le St-Robert en provenance des Indes. Il serait donc parti de Fort Dauphin après les attaques probablement pour se rendre d’abord en Inde avant de s’installer définitivement à l’île Bourbon.

Quoiqu’il en soit, vers 1677 à l’île Bourbon, il épouse Louise SIARANE (1645-1705) qui est originaire de Madagascar et veuve d’Etienne GRONDIN, avec lequel elle a eu un premier enfant prénommé François, né à Fort Dauphin vers 1672.

De sa nouvelle union avec Antoine PAYET, Louise aura 10 enfants : Germain, Louise (première enseignante de l’île), Antoine, Laurent, Ursule, Daniel, Henry Guillaume, Hyacinthe, Barbe et Luce. Contrairement à ce que certains pourraient penser, le métissage n’est pas récent à la Réunion, les tous premiers bébés de l’île étaient déjà métissés…

Mon arrière-grand-mère descend de Laurent PAYET (1718-1784). On raconte que Laurent PAYET excellait dans l’art de fabriquer des chapeaux en feuilles de latanier 🙂

Photo Latanier

En 1704, Antoine PAYET est dit charpentier. En tant qu’ancien de la colonie, il fait naturellement partie du Directoire de Saint-Paul qui assure l’administration de l’île de 1694 à 1698. Quand on connaît la verve d’Antoine BOUCHER (voir ici), on peut dire qu’il est dithyrambique à propos d’Antoine PAYET :

Extrait Mémoire BOUCHER
Antoine PAYET
Extrait Mémoire BOUCHER
Antoine PAYET suite

Bien entendu, Antoine BOUCHER ne peut s’empêcher de faire la morale à Antoine PAYET qui vend les produits de ses terres et de son élevage aux pirates de passage. On ne sait si cela est interdit mais en tout cas, ce n’est pas moral aux yeux de BOUCHER : « …et il serait à propos, qu’il y eut à cette Isle un petit règlement de police ».

Après une vie de labeur, Antoine PAYET décède le 7 mai 1710 à Saint-Paul « âgé de 70 ans ».  Bien que cela ne soit pas indiqué dans l’acte de sépulture ci-dessous, il est veuf de Louise SIARANE depuis 5 ans.

Acte décès Antoine PAYET 1710

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Jourdavant

Généalogiste amateur originaire de l'île de la Réunion

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4 réflexions sur « Vous avez dit PAYET ? »

  1. Originaire de la commune de Saint-Priest, actuellement dans le Rhône, mais dans l’Isère jusqu’à la fin des années 1960, j’atteste que les Payet de La Réunion ne peuvent être originaires que d’ici. Le patronyme Payet y est en effet sur-représenté, avec une « rue de Payet » où se trouve ma maison de famille. Nos voisins s’appellent Payet, et les Payet y sont si nombreux que le nom se décline en « Payet-Burin’, « Payet-Pigeon », « Payet-Maugeron », etc… En outre, on disait auparavant « Saint-Prix »…
    Donc ne cherchez pas à Saint-Prim, ou dans la Loire, ce qui se trouve tout bonnement dans le Rhône…
    Je précise que je tombe sur cet article après m’être posé la question, qui a orienté ma recherche : pourquoi y a-t-il autant de Payet à la Réunion qu’à Saint-Priest ?

  2. Saint-Priest dans la banlieue de Lyon se prononçait « Saint-Pri », avant que les nouveaux venus se mettre à détacher toutes les lettres de l’orthographe actuelle.

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