29 mars 2024

#ChallengeAZ Les plumes de la Grande Guerre : K comme Kessel

On connaît l’écrivain Joseph Kessel pour son roman Le lion et pour son engagement au sein de la résistance française auprès du Général de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale, mais on oublie souvent qu’il a été quelques années plus tôt un jeune engagé volontaire de la Première Guerre mondiale.

Joseph Elie Kessel est né le 31 janvier 1898 à Villa Clara en Argentine au sein d’une famille juive d’origine russe. Fils aîné de Samuel Kessel, médecin, et de Raïssa Lesk, il a deux frères prénommés Lazare et George.

À noter que son frère Lazare Kessel (1899-1920) est aussi le père de l’écrivain et homme politique Maurice Druon avec lequel Joseph Kessel écrira Le chant des Partisans.

 

L’enfance

Joseph est né en Argentine presque par hasard, la famille suit en effet le père dans ses voyages à travers le monde et se trouve à Villa Clara au moment où Raïssa accouche de son aîné.

C’est en Russie qu’il passe une partie de son enfance avant que toute la famille n’émigre à Nice où Joseph est scolarisé de 1908 à 1913 au lycée Félix Faure aujourd’hui lycée Masséna.

Face aux élèves niçois qui se moquaient de ses origines, de son accent et de ses blouses russes, Joseph ne répondait que par la violence, à tel point qu’il finit même par envisager à cette époque une carrière de boxeur, avec les encouragements de ses professeurs.

Mais Joseph finit par obtenir le respect de ses camarades par ses bons résultats scolaires au lycée. Il est récompensé par un prix d’excellence en 1909 qui lui vaut d’avoir sa photo dans un quotidien niçois et surtout la fierté de sa mère.

Avec son frère Lazare, tout aussi brillant, Joseph écrit des histoires qui passionnent les lycéens dans un journal auto-édité.

 

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Extrait du journal des frères Kessel : Source : « Kessel » d’Ivan Stephen, Alain Da Cunha, Arlette Moreau chez Plon (1985)

 

Parallèlement, les frères Kessel se découvrent une passion pour le théâtre et en 1912, au lycée de Nice, Joseph écrit, produit et joue ses premières pièces.

 

L’engagement

En septembre 1914, Joseph Kessel, âgé de 16 ans, se porte volontaire pour être infirmier-brancardier à l’Hôtel Impérial de Nice. Une première expérience qui le place d’emblée plus près de la souffrance et de la mort des soldats dont il a la charge.

 

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Joseph Kessel, 2e rang, 2e en partant de la droite, auprès des soldats blessés et des soignants de l’Hôtel Impérial

 

Mais 1914 voit aussi survenir un grand changement dans la vie des Kessel. La famille quitte Nice pour Paris, la ville rêvée des frères Kessel dès leur plus jeune âge et au travers les romans des grands auteurs français dont ils étaient férus.

Joseph s’inscrit au Lycée Louis-le-Grand et décide toujours avec son frère Lazare de former une troupe de théâtre qui donnera des représentations entre 1914 et 1916.

En 1916, Joseph trouve un emploi au Journal des débats, il écrit à ce propos :

Le Journal des débats, quand j’y entrais, comptait plus de cent vingt-cinq ans d’existence. J’en avais dix-sept.

Sa tâche consiste à découper, coller et résumer les dépêches mais aussi à corriger les épreuves. C’est là qu’il fait son apprentissage du métier de journaliste.

 

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Extrait du Journal des débats du 23 février 1916. Source : Gallica

 

Fin 1916, il se porte à nouveau engagé volontaire. Affecté dans un premier temps au régiment d’artillerie de Versailles, il rejoint l’aviation en 1917 en tant qu’observateur dans l’escadrille.

 

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De cette expérience dans l’aviation, il en tire le roman L’Équipage paru en 1923 et qui décrit le quotidien des soldats d’une escadrille d’observation.

Alors ils surent ce que les camarades entendaient par équipage. Ils n’étaient pas simplement deux hommes accomplissant les mêmes missions, soumis aux mêmes dangers et recueillant les mêmes récompenses. Ils étaient une entité morale, une cellule à deux cœurs, deux instincts que gouvernait un rythme pareil. La cohésion ne cessait point hors des carlingues. Elle se prolongeait en subtiles antennes, par la vertu d’une accoutumance indélébile à se mieux observer et se mieux connaître. Ils n’avaient fait que s’aimer ; ils se complétèrent. Extrait de l’Équipage.

 

Le 11 novembre 1918 ne marque pas la fin de la guerre pour Joseph Kessel. Il fait partie des volontaires du corps expéditionnaire de Sibérie et pour lui, comme pour ses camarades, la guerre continue.

Il embarque à Brest pour New York et fait une traversée des États-Unis au cours de l’hiver 1918-1919, un périple américain qui l’enchantera et qu’il racontera dans les Dames de Californie (1928).

 

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Rue de San Francisco (mars 1918). Source : http://Historical images of San Francisco

 

Après les États-Unis, Joseph Kessel est envoyé à Vladivostok en Sibérie. Je me suis d’ailleurs demandée s’il avait pu croiser la route de mon grand-oncle paternel, Louis, qui appartenait au bataillon colonial sibérien et dont j’ai narré les (més)aventures ici.

Peut-être ont-ils échangé une nuit au bar l’Aquarium ? Se sont-ils seulement vus ?

Le corps expéditionnaire de Sibérie a pour objectif d’empêcher les allemands d’avancer vers l’Oural, mais le temps d’arriver dans la rade de Vladivostok, les allemands ont reculé et l’ennemi est désormais russe. Les soldats du commandement interallié reçoivent alors l’ordre d’attendre. Les journées passent et la lassitude gagnent les soldats qui… attendent.

Kessel et ses compagnons sont chargés d’acheminer sur Omsk le ravitaillement du corps expéditionnaire français mais la tâche est ardue. Pour cela, il faut en effet récupérer ou racheter sur place du matériel mais surtout corrompre toute une chaîne de d’intermédiaires et de fonctionnaires russes.

 

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Soldats français dans le port de Vladivostok (1919). Photo de Lucien Hayer. Source : http://archives.ecpad.fr/wp-content/uploads/2010/06/spca.pdf

 

La ville est sale et pauvre. La guerre civile jette les gens sur la route, les trafics sont légion et le chaos règne en maitre. Kessel est déçu de Vladivostok, bien loin de l’image de la grande ville commerciale sibérienne qu’il s’en faisait :

Quel démenti à mes rêves ! Quelle chute dans le réel !

Je me suis dit que commencer par l’enfer pouvait être une chance. J’étais maintenant endurci, blindé. J’avais vu le pire.
J’aurais eu raison si le pire avait des limites…

 

Kessel racontera plus tard la misère, la violence, l’ennui et les visites nocturnes à l’Aquarium dans un livre intitulé Les temps sauvages paru en 1975.

De retour en France, Joseph Kessel réintègre Le Journal des débats pour lequel il écrit son premier véritable article et signé des initiales J. K.

Sous l’Arc de Triomphe, article de Joseph Kessel publié le 15 juillet 1919.

 

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Source : Gallica

 

 

Joseph Kessel a 21 ans et cet article marque le début de la carrière longue et riche d’un aventurier grand reporter, d’un écrivain, d’un résistant. Une vie hors du commun qui s’achèvera le 23 juillet 1979 à Avernes (Val d’Oise).

Il me manque cinq centimètres pour être un grand écrivain, disait-il. Il ne lui manquait rien en réalité ni pour être un grand écrivain, ni pour être un grand homme.

 

Naissance du chant des partisans

 

 

Le chant des partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon

 

 


Sources :

http://www.gallimard.fr/Footer/Ressources/Entretiens-et-documents/Plus-sur-l-auteur/En-savoir-plus-sur-Joseph-Kessel/(source)/184104

https://next.liberation.fr/livres/2018/07/18/joseph-kessel-l-ecriture-de-l-aventure_1667350

https://www.editions-lepolemarque.com/joseph-kessel-en-siberie/

 

Bibliographie :

Kessel d’Ivan Stephen, Alain Da Cunha, Arlette Moreau, Plon, 1985.

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Jourdavant

Généalogiste amateur originaire de l'île de la Réunion

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