27 octobre 2025
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Guillaume le banni

Entre deux rives

Né vers 1703 à Analamanga (Madagascar), Guillaume ROBERT est le premier fils du flibustier anglais Édouard ROBERT dit Robin ou Net.
 Ce dernier, originaire de la paroisse Saint-Clement Danes de Londres, débarque à l’île Bourbon en 1706. Peu après son arrivée, il abjure la foi protestante à Saint-Paul et entreprend de s’installer définitivement dans la colonie.

Il épouse Marie BELLON quelques semaines plus tard et commence à fonder une famille, enfin devrais-je dire une seconde famille.

En effet, Guillaume n’est pas issu de l’union d’Édouard ROBERT avec Marie Anne BELLON ; il est né d’une précédente relation que son père avait entretenue avec une femme malgache à Analamanga. C’est ce que je découvre en tout cas dans l’acte de baptême de Guillaume, établi en 1714 à Saint-Paul :

Acte de baptême de Guillaume ROBERT le 03/08/1714 à Saint-Paul.
Transcription de l'acte : 
L’an de grâce mil sept sen quatorze, le trois(ième) aoust, par moy frère Nicola Lauran Duval, religieux augustins et curé de lille de Bourbons, a été baptisé in garçons nommé Guilliome, fils de h(onnête) h(omme), Edouard Robert, lequel anfan, il a eu d’une negrese pendant qu’il demeuré à Madegascart, et qu’il a pasé dans cetes illes dans un vesau anglois et a eu pour parain le sieur Jacques Bedas et dame Brigite Belons. Parain a signé et la maraine a déclaré ne savoir signé.
Le dijour et an que desus. Jacques Beda et Duval curé.
Acte de baptême de Guillaume ROBERT le 03/08/1714 à Saint-Paul.
Source : Archives Nationales d’Outre-Mer

Le curé de Saint-Paul précise ainsi :



« …a été baptisé un garçons nommé Guilliome, fils de honnête homme Edouard Robert, lequel anfan, il a eu d’une negrese pendant qu’il demeuré à Madegascart, et qu’il a pasé dans cetes illes dans un vesau anglois… »



Édouard a donc fait venir son fils Guillaume pour l’élever à l’île Bourbon. Peut-être que la perte de ses deux autres fils Antoine et Jean-baptiste, décédés tous deux en 1709, l’a contraint à ramener cet enfant resté à Madagascar. Peut-être souhaitait-il tout simplement le retrouver et lui offrir une vie matériellement meilleure ?
Qu’elle qu’en soit la raison de ce rapatriement, Guillaume grandit au sein de la maison paternelle, aux côtés de ses demi-frères et sœurs.

En 1720, il est placé en apprentissage chez le maître menuisier Louis Le Corre, pour une durée de trois ans.


Lors du recensement de 1722, il est toujours mentionné auprès de son père. Il est alors âgé de dix-neuf ans.


Extrait du recensement de la famille d’Édouard ROBERT en 1722. 
Guillaume ROBERT apparaît parmi les enfants mâles : fils naturel originaire de Madagascar. Il est âgé de 19 ans et 6 mois.
Extrait du recensement de la famille d’Édouard ROBERT en 1722.
Source : Archives Départementales de la Réunion, cote : 2MI54 – Recensement par quartier (ADR, C° 781). (1722) vue 17/71.

La peine

C’est ensuite que sa route dévie.
 Accusé d’avoir voulu « déserter la nation française dans la traite à Madagascar », Guillaume est arrêté et traduit devant le Conseil Supérieur de l’île Bourbon.
 Le procès, décrit comme « extraordinairement instruit », aboutit le 21 juillet 1725 à une condamnation pour désertion.


La sentence est lourde : bannissement perpétuel.


12. Arrêt du Conseil Supérieur qui condamne le nommé Guillaume, fils naturel de Edouard Robert au bannissement, du 21 juillet 1725. Source : https://www.reunion-esclavage-traite-noirs-neg-marron.com


Arrêt du Conseil Supérieur qui condamne le nommé Guillaume, fils naturel de Edouard Robert au bannissement, du 21 juillet 1725.
Vu par le Conseil Supérieur le procès extraordinairement instruit, à la requête de Mr. le Procureur général, par devant Mr. Hochereau de Gassonville, Conseiller, à l’encontre du nommé Guillaume, fils naturel d’Edouard Robert, habitant de cette île, accusé de désertion et d’avoir voulu déserter la nation française dans la traite à Madagascar ; information, interrogation et procédure en conséquence, en date des seize décembre mil sept cent vingt-quatre, dix huit et vingt-deux janvier mil sept cent vingt-cinq ; conclusions de Mr. le Procureur général et tout considéré, Le Conseil a déclaré et déclare le dit Guillaume dûment atteint et convaincu. En conséquence l’a condamné et condamne au bannissement perpétuel de ces colonies et à passer sa vie, sans retour, dans les colonies d’occident les plus éloignées. Suivant et pour satisfaire auquel bannissement, il sera passé prisonnier jusqu’en France, par le premier bâtiment, à la charge et consigne du capitaine ; où étant arrivé, il sera mis à la disposition de Monsieur le Directeur de Lorient pour, de là, passer et aller garder son ban, dans tel endroit et colonie qu’il plaira à Monsieur le Directeur lui assigner ; où il sera consigné à perpétuité, pour prévenir la suite de ses mauvaise volontés, si par la voie étrange il pouvait repasser à Madagascar ou dans les Indes. Arrêté au Conseil Supérieur, à Saint-Paul, Ile Bourbon, le vingt [et] un juillet mil sept cent vingt-cinq.
Desforges Boucher, H. Dioré, Sicre de Fonbrune, J. Auber,
Dachery, Justamond, Auber fils, greffier.

Prisonnier, Guillaume atteint Lorient à la fin de l’année 1725, d’où il sera conduit vers une lointaine colonie d’Occident, sans possibilité de revenir.

Extrait du rôle du Duc de Chartres (1724-1726) sur lequel apparaît Guillaume ROBERT en tant que passager, embarqué à l'île Bourbon le 27/12/1725. Débarqué à Lorient - Passager de l'île Bourbon pour la France.
Extrait du rôle du Duc de Cartres (1724-1726). Source : Mémoire des hommes

L’effacement

Après son départ, Guillaume disparaît des archives. Aucun acte de décès, aucun autre document ne me permet de retracer son parcours après 1725.
Tandis que ses frères et sœurs s’enracinent durablement à Bourbon, lui s’efface, banni à jamais de son île et de sa famille.

Guillaume ROBERT en quelques dates

  • 
Vers 1703 – Naissance à Analamanga (Madagascar).
  • Décembre 1706 – Arrivée de son père, Édouard ROBERT, à l’île Bourbon à bord d’un vaisseau pirate.
  • 30 janvier 1707 – Abjuration de son père à Saint-Paul, puis mariage avec Marie Anne BELLON
  • 1714 – Baptême de Guillaume à Saint-Paul (île Bourbon).
  • 1720 – Placement en apprentissage chez le maître menuisier Louis Le Corre pour trois ans.
  • 21 juillet 1725 – Condamnation au bannissement perpétuel par le Conseil Supérieur de l’île Bourbon.
  • 27 décembre 1725 – Embarquement pour Lorient.
  • Après 1725 – Disparition.

Illustration : une feuille marque la fin de l'article

Sources :

4 réflexions sur « Guillaume le banni »

    1. Aucune idée car j’ai l’impression qu’il a littéralement disparu. Peut-être que je ne ne sais pas vraiment bien où chercher. Pas évident avec un nom de famille aussi courant :-/

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