Léon Werth. Peut-être que ce nom vous dit quelque chose, mais peut-être pas.
Peut-être l’avez-vous vu passer ? Mais où ? Sur une plaque de rue ? Probablement pas. À moins de connaître Remiremont dans les Vosges ou Saint-Amour dans le Jura.
Mais non, ce n’est pas ça. Ce nom, vous l’avez vu, l’avez lu fugacement, mais n’avez pas compris qui c’était et n’avez sans doute pas cherché le savoir.
Ce nom, vous l’avez lu dans CE livre :
L’un des livres les plus célèbres de France est dédié à… Léon Werth.
Léon Werth est un écrivain français, critique d’art et journaliste entre autres. Il est surtout antimilitariste, anticolonialiste, libertaire, complètement à contre-courant de son époque et il entend bien le faire savoir à travers sa plume rageuse.
Léon Werth est né le 17 février 1878 à Remiremont dans les Vosges, il est le fils d’Albert Werth, négociant (commerce de draps) âgé de 37 ans et de Sophie Rauh âgée de 24 ans. Sa famille est de confession juive. Trois frères naîtront à Remiremont après Léon : Henri et Louis qui décéderont très jeunes et Louis-François.
Excellent élève au lycée, il obtient un prix de philosophie au Concours Général. Peut-être aussi faut-il y voir là l’influence de son oncle maternel, le philosophe Frédéric Rauh.
Admis à Hypokhâgne au lycée Henri IV à Paris, il va peu à peu abandonner ses études pour écrire dans des revues comme Petit Bleu, Phalange et Cahiers d’aujourd’hui. Il se lance ainsi dans le journalisme et la critique d’art. Il interviewe des grands noms du milieu littéraire et culturel parisien qu’il va finir par abhorrer pour leur préférer la compagnie des « petites gens ».
Il n’accomplit qu’une seule année de service militaire sur les trois obligatoires car il bénéficie d’une dispense en tant qu’étudiant (article 23).
Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas retrouvé la fiche militaire de Léon Werth, classe 1898, dans les registres matricules :
- des Vosges, lieu de naissance,
- de la Seine, lieu de résidence quand il était étudiant à Henri IV,
- de Lyon, lieu de résidence de ses parents en 1906 et lieu où il a signé une sorte de pétition en 1897 concernant l’affaire Picquart-Dreyfus (vu sur Gallica),
- du Jura, lieu de résidence secondaire,
- de l’Ain, lieu où se déroulent les événements de son livre Caserne 1900 largement autobiographique,
- de la Drôme, lieu de son régiment en 1914 et sans conviction aucune,
- du Lot-et-Garonne parce que je passais par là.
J’ai aussi fait des recherches sur le site du Grand Mémorial.
ALORS si quelqu’un sait dans quel département Monsieur Léon Werth s’est fait recruter, je serais ravie de découvrir ses états de service. Mon instinct me fait pencher du côté du Jura, les registres matricules sont-ils bien complets ? Son nom aurait-il été mal orthographié ?
En tout cas, il a bien fait son service militaire et il a d’ailleurs raconté ses souvenirs de l’armée dans un ouvrage intitulé Caserne 1900.
En 1913, il publie La maison blanche qui fait partie des grands favoris du Prix Goncourt cette année-là. La récompense ira finalement au roman Le Peuple de la Mer de Marc Elder, non sans susciter quelques polémiques à l’époque.
Léon Werth s’en fiche éperdument, il déclare alors :
L’institution des prix littéraires est détestable. Elle encourage la littérature comme la charité encourage la misère. On nourrit quelques faux pauvres et on assassine les pauvres véritables et dignes.
Léon Werth est à l’époque proche de l’inclassable Octave Mirbeau, écrivain, journaliste et critique d’art tout comme lui.
Il rejoint à cette époque l’Internationale ouvrière et milite contre le colonialisme, le nationalisme, le militarisme et le cléricalisme. Il a le caractère impulsif et l’esprit sans concession. Aussi est-il très surprenant de le voir engagé volontaire à 36 ans dans l’armée française lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale en août 1914.
À ce propos, il s’expliquera :
Tout homme qui s’échappe des circonstances est lâche.
Il rejoint donc le 252e Régiment d’Infanterie de Montélimar et passera quinze mois au front. Malade, il finit par être réformé.
Marqué par la guerre, il renoue avec un pacifisme farouche et publie après la guerre deux récits résolument antimilitaristes et qui font scandale à l’époque : Clavel Soldat et Clavel chez les Majors (1919).
Dans les années 20, il poursuit l’écriture contre le colonialisme, le stalinisme, la guerre et dénoncera ça plus tard le nazisme qui ne cesse de prendre de l’ampleur en Europe.
Il fait la rencontre d’Antoine de Saint-Exupéry en 1931, ce qui débouchera sur une profonde amitié.
« Le meilleur ami que j’ai au monde » dira Antoine de Saint-Exupéry à propos de Léon Werth.
Léon Werth se retire dans le Jura pendant la Seconde Guerre mondiale et se montrera très critique à l’égard de la France de Vichy.
Après la Seconde Guerre mondiale, il publie Déposition, journal 1940-1944, dans lequel il écrit :
Il me revient sur Pétain une anecdote, qui, si je m’en étais souvenu plus tôt, m’eût épargné beaucoup d’inutile psychologie. Peu d’années après la guerre de 14, le sculpteur Brasseur avait eu la commande d’un monument commémoratif pour je ne sais quelle ville du Nord. On en montra la maquette à Pétain : un groupe de soldats et un officier. « C’est beau, dit-il, mais il faut faire l’officier plus grand que les hommes.»
Léon Werth, Déposition/Journal, avril 1942.
Léon Werth décède à Paris le 13 décembre 1955 et repose au cimetière du Père Lachaise.
Sources :
https://archives.vosges.fr
http://archives.rhone.fr
http://archives.paris.fr
http://www.issoudun.fr
http://www.mirbeau.org/werth.html
https://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20160113.OBS2706/la-france-a-cesse-de-penser-quand-le-grand-leon-werth-etait-un-migrant.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Werth
https://www.actualitte.com/article/livres/les-ensables-clavel-soldat-de-leon-werth-1878-1955/86259
http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/leon-werth/wall
Bonjour
Votre défi, très bien écrit, permet de découvrir des parcours passionnants et donne envie de trouver du temps pour aller en bibliothèque voir si leurs ouvrages sont aussi intéressants que vous le présentez.
Merci
Merci beaucoup pour ces mots encourageants, je n’ai pas tout lu de ces auteurs mais c’est une façon de les découvrir autrement
Superbe billet qui commence très fort avec Le Petit Prince. Je ne connaissais pas cette amitié qui est le fil rouge de ton récit, plein de surprises.