29 mars 2024

U comme Uruguay

Comparé à ses voisins, le Brésil ou l’Argentine, l’Uruguay fait figure de petit pays avec ses 176 000 kms et ses 3,3 millions d’habitants. À elle seule, sa capitale Montevideo concentre plus de la moitié de la population uruguayenne.

Carte Amérique du Sud
Carte Amérique du Sud. Source : Google maps
Photo plage Montévidéo
Montevideo. Source : Domaine public via Pxhere

À l’aube du XXe siècle, la mise en œuvre de grandes réformes ont rendu l’Uruguay prospère. Le pays se rêvait même comme une petite Suisse de l’Amérique du Sud. Parallèlement aux mesures économiques et sociales, l’Uruguay engage également une politique d’ouverture à l’immigration, ce qui favorisera l’arrivée d’une main d’œuvre étrangère.
Les premiers juifs arrivent aux alentours de 1920, en provenance des autres pays d’Amérique du Sud, mais aussi des pays d’Europe Occidentale, d’Europe centrale et de l’Est. Ils fuient les persécutions, les guerres et la pauvreté et voient l’Uruguay comme une sorte d’Eldorado.
D’autres vagues migratoires suivront, notamment entre 1930 et 1942, une période au cours de laquelle près de 20 000 juifs traverseront les frontières pour gagner l’Uruguay. La grande crise de 1929 freinera ces flux migratoires, mais ils reprendront aussitôt la Seconde Guerre mondiale terminée.

Pourquoi je vous parle des juifs et de l’Uruguay aujourd’hui ? Parce que c’est cette destination que trois femmes ROSENFELD, trois survivantes de la Seconde Guerre mondiale, ont souhaité rejoindre.

Photo Olga et Franz ROSENFELD
Olga & Franz (1945)
Photo : Vida Badonky

Les deux premières femmes qui ont tenté l’aventure vers l’Uruguay sont Olga et Paula, les filles de Friedrich ROSENFELD.
Elles réussissent à quitter la Yougoslavie à la fin de la Seconde guerre mondiale et atteignent la Suisse dès 1945 avec leurs enfants. Elles y retrouvent leur cousin Franz ROSENFELD.

Elles passent ensuite par Israël où elles sont un temps résidentes, puis elles embarquent pour l’Uruguay. La traversée s’effectue par bateau en 1946 pour Paula ROSENFELD épouse GUTMAN et en 1949 pour Olga ROSENFELD épouse LEBL.

Photo liste passagers Uruguay 1946

Lista de pasajeros de puertos de ultramar, Salidas Fluvial y Ultramar, Montevideo, 1946 abr-mayo. Source : Uruguay, Montevideo, Montevideo, registros migratorios (Familysearch)
Photo en-tête liste des passagers Uruguay 1949
Photo liste passagers Uruguay 1949
Lista de pasajeros de puertos de ultramar, Entradas de Ultramar, Montevideo, 1949 oct-dic. Uruguay, Montevideo, Montevideo, registros migratorios (Familysearch)

La troisième femme qui envisage l’Uruguay est en une « vieille » connaissance de ce #challengeAZ : Alexandra ROSENFELD qu’on avait laissée en 1941 à Belgrade en Yougoslavie. Son mari Jene ROSENFELD ayant été arrêté puis exécuté par les Nazis, elle se retrouve désormais seule avec son fils de 2 ans, Vojislav.
Elle réussit en 1949 à quitter la Yougoslavie où elle ne peut pas travailler parce qu’elle refuse de rejoindre le parti communiste yougoslave sous Tito. Sans adhérer au Parti, il n’est alors pas possible d’obtenir un permis de travail.
Avant la guerre, elle tenait une boutique de mode à Belgrade. Elle était couturière et son mari Jene, tailleur.

En 1949, Alexandra ferme donc son commerce.

Extrait du dossier de clôture du commerce d’Alexandra ROSENFELD (1949).
Source : Archives de Belgrade, cote IAB-510-K372.

Les Archives Arolsen conservent une importante collection de documents sur les victimes du nazisme. Elles ont mis en ligne les correspondances entre les différents bureaux européens de l’Organisation Internationale pour les Réfugiés (OIR).
Le dossier d’Alexandra comprend une douzaine de documents, principalement des lettres en allemand et en français dans lesquelles elle demande, plutôt elle supplie, qu’on lui accorde le statut de réfugié bien qu’elle ne soit pas juive. Israël, pays qu’elle a rejoint après la guerre, ne l’autorise pas à rester parce qu’elle a menti sur sa confession à l’entrée. Aussi, cherche-t-elle maintenant un autre pays où s’exiler. Alexandra ne souhaite pas voyager clandestinement, précise-t-elle dans l’une de ses lettres, elle souhaite partir tout à fait légalement pour ne pas faire prendre de risque à son fils.

En 1950, après un bref passage en Israël donc, elle se retrouve en Suisse chez son oncle par alliance, Franz ROSENFELD.
L’entrée en Suisse lui est accordée pour raisons de santé mais elle ne peut y rester bien longtemps. Elle écrit qu’elle souhaite plutôt partir en Belgique, en Uruguay ou en Argentine, tout simplement parce qu’elle ne peut pas travailler en Suisse.

Extrait lettre d’Alexandra. Source : https://collections.arolsen-archives.org

Alexandra a toutes les peines du monde à se faire enregistrer à l’OIR, ce qui la freine dans ses démarches de migration.

Extrait d’un compte-rendu de visite. Source : https://collections.arolsen-archives.org

En ce début d’année 1951, elle finit par quitter la Suisse pour la Belgique où elle est placée sous mandat de l’OIR et une protection légale et juridique leur est accordée, à elle et à fils.

Extrait lettre d’Alexandra. Source : https://collections.arolsen-archives.org

Désormais, sa principale préoccupation sera d’organiser et de financer leur grand départ pour… l’Amérique.

Sources :

L’Institut d’Études du Judaïsme de Bruxelles

https://collections.arolsen-archives.org/

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Jourdavant

Généalogiste amateur originaire de l'île de la Réunion

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