Alors que je m’étais promis de rédiger au moins un article par mois cette année, notamment grâce au #généathème, j’ai laissé filer le mois de février sans avoir pris la peine de commencer la moindre recherche sur « une histoire d’amour qui finit mal ». Dieu sait pourtant que mon arbre en regorge.
De prime abord, le thème de mars semble un peu moins évident.
Patrick, le saint patron de l’Irlande est célébré chaque année le 17 mars.
Geneatech se met donc au vert pour le mois de mars.
Nous vous faisons plusieurs propositions pour valider ce généathème :
– L’Irlande (ou une autre nation celte)
– Le prénom Patrick ou Patrice
– Un événement qui s’est déroulé un 17 mars
J’ai réussi à dénicher un collatéral prénommé Patrice ET originaire d’Irlande.
L’installation à Bourbon
Patrice DROMAN est le gendre de mes ancêtres Arzul GUICHARD (1672-1746) et Catherine HEROS (≈1675-1758).
En effet, le 3 juin 1709 à Saint-Denis à Bourbon (Réunion), leur fille Anne GUICHARD âgée de 13 ans épouse un certain Patrice DROMAN, que l’on peut retrouver sous les prénoms de Patrick ou de Patrick Fitzgerald au hasard des actes.
À y regarder de plus près, l’acte de mariage ne délivre pas beaucoup d’informations sur l’époux. Il n’est précisé ni son âge, ni son métier, ni son pays d’origine, ni même les noms de ses parents.
C’est Antoine BOUCHER dans ses Mémoires puis plus tard le père BARASSIN dans ses notes qui lèvent le voile sur notre Patrice DROMAN. On y apprend qu’il s’agit d’un forban irlandais et protestant âgé de 40 ans en 1709. Il s’établit à Bourbon en 1706 après avoir fait quelques passages dans l’île avec les équipages des pirates John BOWEN et Thomas WHITE.
Dans le recensement de 1708 de Saint-Denis, Patrice DROMAN est âgé de 38 ans et pour l’heure encore célibataire. Nous sommes un an avant son mariage avec Anne GUICHARD avec laquelle il aura plus tard neuf enfants.
En 1708 donc, dix esclaves sont dénombrés sur sa propriété qui est elle-même composée d’une « maison et pièce de terres au Chaudron où il demeure ». Il possède également une autre pièce de terres à Sainte-Suzanne.
Ses biens lui viennent de Mathurin GARNIER, un malouin parti de Bourbon un an plus tôt pour rejoindre Pondichéry en Inde, accompagné de sa femme Marguerite TECHER, la fille d’un autre couple d’ancêtres.
Les origines
Selon l’historien Jacques GASSER, DROMAN aurait appartenu précédemment à l’équipage du très célèbre William KIDD ! Avec plusieurs autres membres, il aurait ensuite déserté la flotte de KIDD et aurait rejoint un autre pirate, Thomas WHITE.
Sur ce site, on trouve une reproduction des textes de Jacques GASSER qui fait le rapprochement entre Patrice DROMAN et un membre de l’équipage de KIDD : Patrick DINMER.
La présence de ce Patrick DINMER à bord d’un navire du capitaine KIDD est attestée par un accord signé entre William KIDD et John WALKER le 10 septembre 1696 : Articles of agreement between Capt. William Kidd, commander of the good ship Adventure, and John Walker, Quartermaster. Subscribed and agreed to by the ship’s company
Les termes de cet accord traduits en français :
Le capitaine recevra pour le navire, le trouvant en état d’usure, 35 parts et 5 parts entières pour lui-même et sa commission du trésor, etc. qui sera pris par mer ou par terre. (ii) Le capitaine recevra 2 parts et le capitaine accordera à tous les autres officiers une gratification en plus de leurs propres parts qu’il jugera raisonnable. Autres arrangements de récompenses, amendes et compensations, par exemple : (6) 100 pièces de huit pour la perte d’un doigt ou d’un orteil ; (8) 100 pièces de huit pour l’homme qui verra le premier une voile, si elle s’avère être un prix ; (10) cet homme qui se montrera lâche, ou (11) qui sera ivre au moment de l’engagement avant que les prisonniers alors capturés ne soient sécurisés, perdra sa part. Signé William Kidd. Souscrit et agréé par la compagnie du navire
S’en suit une longue liste de noms des membres d’équipage dont un certain Patrick DINMER.
La liste est librement consultable sur British History Online : https://www.british-history.ac.uk/cal-state-papers/colonial/america-west-indies/vol18/pp190-205
Ainsi DROMAN s’appellerait en réalité DINMER, ce qui ouvre un peu plus les perspectives de recherches car jusqu’à présent, les tentatives pour remonter jusqu’à sa naissance on fait chou blanc. Il m’est arrivé de plonger à corps et yeux perdus dans Findmypast, Ancestry ou autre Myheritage mais les résultats n’ont jamais été très convaincants.
Aujourd’hui avec DINMER, DENMER voire DENMAR, eh bien, rien de plus hélas ! Pour l’heure, il me semble que personne encore parmi les descendants réunionnais n’a réussi à mettre la main sur la trace de DROMAN en Irlande.
L’homme est dit irlandais du « Comté de Carrick » et on sait que ses parents se nomment Thomas DROMAN et Marguerite GALLINS.
Il est à envisager que Carrick ne soit pas le nom du Comté mais le nom de sa ville d’origine. Le comté de Carrick ne semble en tout cas pas exister. Reste à savoir s’il s’agit de Carrick dans le comté de Donegal ou de Carrick-on-Shannon dans le comté de Leitrim ou encore d’un tout autre lieu peut-être ?
Si le nom de famille DINMER a bien été déformé en DROMER et DROMAN au fil des actes, le même sort a pu être réservé au lieu Carrick. Je m’interroge encore par exemple sur la prononciation qu’un Irlandais du début du XVIIe siècle pouvait faire du Comté de Kerry (Chiarraighe en gaélique).
Qu’il s’agisse de la ville de Carrick ou du Compté de Kerry, ce sont, en tout cas, de bien jolis coins d’Irlande, presque un peu mystérieux comme l’est encore notre Patrice DROMAN aujourd’hui, près de 320 ans après son arrivée à la Réunion.
SOURCES :
Archives Nationales d’Outre-mer
Archives Départementales de la Réunion
http://www.reunion-esclavage-traite-noirs-neg-marron.com
https://diable-volant.github.io
http://www.cindyvallar.com
https://www.british-history.ac.uk
C’est toujours un plaisir plein de surprises de lire les aventures de tes ancêtres. Et dans ce billet, on voyage de la Réunion jusqu’en Irlande !
Merci beaucoup Marie 🙂