L’écrivain et poète Jean L’Olagne est né le 3 janvier 1886 à Ambert (Puy de Dôme) sous le nom de Jean François Octavien Angéli. Il est le fils de Xavier Angéli, gendarme originaire de Corte (Corse), et de Marie Noémie Sauvade, issue quant à elle d’une ancienne famille auvergnate.
Jean Angéli dit Jean l’Olagne est le frère aîné de François Angéli (1890-1974), peintre et graveur français dont les œuvres sont notamment inspirées de la Première Guerre mondiale. François a lui aussi été mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, après avoir été engagé volontaire pendant 5 ans dans l’armée de 1908 à 1913.
Les deux frères naissent à la caserne de gendarmerie où travaille leur père et ont à l’époque comme voisin un certain Henri Pourrat (1887-1959), l’écrivain récompensé du Prix Goncourt en 1941 pour Vent de Mars, et avec qui ils se lient d’amitié.
L’enfance de Jean est résolument campagnarde. Sa scolarité se passe en Auvergne d’abord à l’école de Valeyre, puis au collège communal d’Ambert et au collège Saint-Pierre à Courpière.
À 18 ans, Jean quitte sa ville natale d’Ambert pour Rome où il travaille un temps comme rédacteur dans un journal italien. Il y reste quelques mois avant de rentrer en France pour poursuivre des études d’italien à la Faculté de Lettres de Grenoble.
Deux ans plus tard, il est appelé à effectuer son service militaire à Riom (Puy-de-Dome). Il est incorporé au 105ème Régiment d’Infanterie en octobre 1907 et en sort en 1909 avec un certificat de bonne conduite.
C’est à cette période qu’il commence à écrire quelques poèmes qui seront publiés dans des journaux locaux d’Auvergne. En 1912, il signe avec Henri Pourrat : Sur la colline ronde.
Parallèlement à ses écrits, Jean poursuit ses études d’italien à l’université jusqu’à l’obtention de sa Licence et du Diplôme d’Études Supérieures. Il prépare l’agrégation en partie à Florence où il commence à rédiger La métairie de Jean l’Olagne.
Puis il devient ensuite professeur à Annecy, mais aux dires de beaucoup de ceux qui l’ont côtoyé avant et pendant cette période, il n’était définitivement pas fait pour l’enseignement. Il rejette depuis son adolescence le système éducatif car il trouve les classiques et la « poésie savante » fort ennuyeux.
Jean revient donc rapidement dans sa région natale et par dépit ou par colère, il finit par brûler une partie d’un manuscrit, celui de La métairie de Jean l’Olagne.
Puis, c’est la guerre. Mobilisé en août 1914, il part au front avec le 140ème Régiment d’Infanterie. Il écrit régulièrement à ses proches et notamment à son frère à qui il envoie ses dessins :
Je t’envoie quelques dessins qui te tiendront au courant de ma vie aux tranchées, mieux que ne le feraient des mots.
Le 4 mars 1915, Jean devient caporal des réserves et le 31, il écrit toujours à son frère :
Nous voici derechef pour dix jours aux tranchées. Repos mouvementé, dans mon escouade. Scènes d’ivrognerie chez quelques hommes obéissant aux fumées du vin plus qu’à leur caporal. Leur idéal est différent du mien, ce qui fait qu’on ne s’entend pas toujours et la guerre n’est pas, je le sais bien, telle que nous la dépeignent des romans. – S’accoutumer à cela aussi –
Il sera cassé de son grade deux mois plus tard (!) et remis soldat de 2e classe. C’est un évènement qui n’est pas banal. La seule fois où j’ai vu ce type de mention sur une fiche militaire, c’était sur celle de mon grand-oncle qui avait certainement poussé le bouchon trop loin face à des officiers : https://lejourdavant.net/2017/12/16/rdvancestral-si-vous-avez-des-c-au-c/
En ce qui concerne Jean, le motif mentionné sur sa fiche matricule est pour le moins imprécis : « négligence habituelle dans le service, ne donne pas le bon exemple à sa troupe ».
Les raisons de sa rétrogradation sont d’ailleurs aussi obscures que les conditions de sa disparition.
Dans les registres matricules du Puy-de-Dôme, il est indiqué sur sa fiche que Jean est mort tué à l’ennemi à Hébuterne (Pas-de-Calais) le 11 juin 1915 au cours de la bataille du même nom qui s’est déroulée du 7 au 10 juin 1915.
Des combats se sont poursuivis dans les jours qui ont suivi la bataille d’Hébuterne. Du 7 au 13 juin 1915, on déplore ainsi 1 760 tués et 8 590 blessés du côté des français contre 927 tués, blessés et prisonniers du côté allemand.
D’abord blessé, Jean est déclaré décédé le 11 juin 1915. Comme il s’agit bien d’un soldat mort pour la France, il est possible de récupérer sa fiche sur le site Mémoire des hommes.
On en apprend guère plus : décédé des « suites des blessures de guerre ».
Mais selon Sophie Leclanché dans le Journal du Centre : « Ni son corps, ni le brancard sur lequel il avait été couché n’ont été retrouvés. Seuls les cadavres des deux brancardiers ont été identifiés. »
Je n’ai pu trouver plus de précisions dans le Journal des Marches des Opérations de la 140e RI. Un compagnon et ami de Jean présent à ce moment-là témoignera auprès de son frère François qu’il est mort en riant en sautant de tranchées en tranchées…
Ainsi donc disparait Jean Angéli dit Jean l’Olagne à l’âge de 29 ans. Ses tous derniers mots à son frère :
Au revoir donc cher frère et bonne chance à nous tous.
En hommage à son ami Jean, Henri Pourrat publiera en 1923 une biographie intitulée Les Jardins Sauvages : la vie et l’œuvre de Jean-François Angeli, soldat au 140e de ligne, tué à l’ennemi le 11 juin 1915.
L’ami Henri et le frère François n’auront de cesse de promouvoir l’œuvre de Jean après sa mort.
Dans un ultime hommage, Jean Cocteau dira à son propos :
Ne me demandez pas de lire Jean Angéli – demandez-moi mieux : de le respirer, de l’affectionner, de vous plaindre. Vous devinez avec quelle tendresse je touche ce livre, je ferme les yeux au lieu de lire, je me dépêche de vous rejoindre en Auvergne.
Sources :
http://www.archivesdepartementales.puydedome.fr/
Les scènes de vie de la Grande Guerre immortalisées par les frères Angeli
https://www.bibliotheques-clermontmetropole.eu/
http://www.archivespasdecalais.fr
www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
Document :
Hommage à Jean Angeli : 1886-1915 : portraits et documents, souvenirs, témoignages, inédits, édité par L’Auvergne littéraire. N° spécial de « L’Auvergne littéraire », 3e année, 1926.
Intriguée par l’origine ambertoise de cette plume, je découvre que sa mère est une descendante de la famille Sauvade qui fait partie des ancêtres de mon mari. Il va falloir que je retrouve le lien de parenté.
En tout cas je te conseille un séjour à Ambert et une randonnée sur le chemin des papetiers, J’ai beaucoup aimé cette région qui me donne envie de lire Henri Pourrat.
Il est bien possible que ton mari et Jean Angéli cousine, Ambert n’est pas bien grand j’imagine ! Bonne idée pour le séjour à Ambert, je me note dans les coins à découvrir merci !
J’aime beaucoup ces auteurs « régionaux », qui se tiennent à l’écart des mondanités comme l’Olagne, Pourrat, Jammes aussi, je trouve qu’ils sont injustement oubliés. L’un est peut-être la conséquence de l’autre d’ailleurs…
Ambert était une ville prospère au temps de la papeterie. Les familles sont peu nombreuses mais avec quantité d’implexes et d’homonymes. Leurs ancêtres communs doivent être fort vieux et nombreux.