Si de nombreuses femmes de mon arbre généalogique ont imperceptiblement traversé leur siècle, ce n’est définitivement pas le cas de mon ancêtre Barbe PAYET dont l’héritage a résisté à près de 300 ans d’une histoire réunionnaise tumultueuse.
Mais de quel type de leg parle-t-on ici ? Eh bien ni plus ni moins qu’une chapelle, celle de Notre Dame du Rosaire, située dans la commune de Saint-Louis à la Réunion. Pour témoigner de sa reconnaissance envers le ciel, qui épargné ses enfants pendant la grande épidémie de variole de 1729, Barbe PAYET a lancé en 1732 la construction de cette chapelle sur ses propres terres. Le bâtiment est aujourd’hui considéré comme le plus vieil édifice religieux de l’île.
Une ancêtre qui fait construire une église, ce n’est pas chose commune. Il était donc vraiment temps que je m’intéresse à son parcours de vie. Une fois n’est pas (encore) coutume, je vous propose à titre expérimental une petite ligne de vie réalisée avec Canva, permettant de visualiser rapidement les grands événements qui ont jalonné sa vie.
Sosa2023, Barbe donc, est née à Saint-Paul en 1694 d’un père charpentier et ancien soldat de la Compagnie des Indes Orientales, un certain Antoine PAYET dit La Roche à propos duquel j’avais écrit en 2016 un article « Vous avez dit PAYET? » et qui avait connu, ma foi, son petit succès d’estime.
Barbe est une enfant métissée puisque son père est originaire du Dauphiné et sa mère Louise SIARANE, veuve d’Étienne GRONDIN, est de Madagascar. Son baptême est enregistré dans le tout premier registre paroissial de l’île coté 1GG1.
En 1706, alors qu’elle n’a pas tout à fait 12 ans, Barbe épouse Étienne HOARAU dit Le jeune, fils d’Étienne et de Geneviève DENNEMONT. Son mari est cultivateur comme la plupart des habitants, il apporte également une aide très précieuse à son père qui exerce les métiers de charpentier, menuisier, cordier, maçon et vigneron.
À noter pour la petite histoire que, quelques années plus tôt, Étienne HOARAU père a épousé en secondes noces Ursule PAYET, sœur aînée de Barbe et épouse d’Étienne HOARAU fils. Si vous n’avez pas suivi, le père et et le fils ont fait alliance avec 2 sœurs.
Le couple Étienne et Barbe a 13 enfants : 5 filles et 8 garçons dont Julien et Henry qui décèdent en bas-âge.
La famille HOARAU-PAYET habite au niveau de l’Esplanade de Saint-Paul, un peu à l’écart des Sables où se concentre une grande partie des colons et de leurs descendants.
En 1722, le couple est toujours recensé à Saint-Paul avec leurs 7 premiers enfants. On dénombre également sur leur habitation 8 esclaves majoritairement de Madagascar, dans une parfaite parité.
Étonnement, je ne retrouve pas dans ces feuilles de recensement de 1722 d’informations relatives aux terres, aux cultures et aux bêtes qu’ils possèdent. On sait néanmoins, grâce aux Mémoires d’Antoine BOUCHER, que les tous premiers HOARAU vivent dans une relative prospérité.
Ils font partie des habitants les plus aisés de l’île.
La grande épidémie de variole qui court à Bourbon en 1729 apportera son lot de malheurs à la population. Beaucoup d’habitants sont foudroyés par la maladie et la mort qui n’épargnent ni enfant, ni adulte, ni colon, ni esclave. 1500 victimes en 5 mois.
Barbe se met à prier pour que sa famille soit épargnée et sera finalement exaucée, du moins en partie. Son mari Étienne et leur fils Jacques sont emportés par la variole à trois mois d’intervalle, mais ses 10 autres enfants survivent. C’est une chose assez incroyable quand on compare cette famille à d’autres de l’époque qui ont été décimées. Ainsi, chez mes autres ancêtres Gilles DENNEMONT et Marguerite LAUNAY, 7 enfants sur 10 meurent en 3 mois, en plus des parents eux-mêmes.
Barbe, femme de grande piété, fait le vœu après l’épidémie de faire construire une chapelle en guise de remerciements à la Sainte Vierge. Une « Donation par la Veuve HOARAU pour l’érection d’une chapelle à Saint-Louis » est ainsi actée le 20 novembre 1730.
Source : AD Réunion, Fonds de la Compagnie des Indes orientales (1674-1778). Cote : 2MI91. Carte en fond : Gallica
Le chantier de la construction de la chapelle Notre Dame du Rosaire commence en 1732 pour s’achever en 1734. Entre-temps, Barbe se remarie avec François LALLEMAND dit Richard. Elle a 38 ans, soit près de 15 ans de plus que son nouvel époux. Il faut bien avouer qu’une telle différence d’âge dans ce sens n’est pas chose courante, en tout cas pas parmi mes ancêtres. Les exemples se comptent sur les doigts d’une main.
La cérémonie est célébrée à Saint-Pierre, c’est dans l’acte de mariage que l’on peut trouver la signature de Barbe.
Source : AD Réunion, cote Cote 5GG1/1.
De leur union naissent 3 enfants : Richard en 1733, Barbe en 1735 et Geneviève en 1737. Entre 12 et 43 ans, la très prolifique Barbe a donc mis au monde 16 enfants et, du fait des nombreux entremêlements dans mon arbre généalogique, 5 parmi ces 16 sont aujourd’hui mes ancêtres directs.
Au mariage de son fils Paul HOARAU en 1776, Barbe est déclarée décédée, mais bien malin le généalogiste qui mettra un jour la main sur son acte de décès !
Sources :
Voilà un héritage peu commun et qui a dû faire ton bonheur quand tu l’as découvert ! Et bonne année 2023 !
Merci et bonne année aussi à toi Christelle !
Oh ! Un beau souvenir pour ses descendants…
Et pas mal du tout cette ligne de vie , je vais regarder ce que propose #Canva
Bon week-end
et Bonne Année 2023 !
Il existe Genially aussi mais il y moins de possibilités gratuites que sur Canva. Merci bonne année aussi à toi !
Belles utilisations de Canvas et de Genially, mais surtout un beau récit. Quelle chance d’avoir une ancêtre prolifique telle que Barbe.
Un sacré personnage je crois, j’aimerais beaucoup en apprendre plus au son sujet. Merci à toi Marie pour ton commentaire.
Pour une première, c’est une réussite cette ligne de vie.
Et le Genially avec les enfants m’a donné une idée.
Et que dire de Barbe, c’est tellement rare d’avoir des traces de nos ancêtres femmes.
Oh merci, surtout pour elle ! C’est vrai que c’est exceptionnel de retrouver des traces aussi importantes des femmes. Elle a eu une vie assez longue finalement, j’espère que les AD Réunion mettront en ligne de nouveaux documents cette année.
Barbe Payet apporte bien des paillettes (désolé :p) à ton arbre de par sa vie et son héritage.
😉 Tu as raison, ça se prononce bien « paillette » et non « payé » !
Je suis heureux de te lire. Décidément, tu as vraiment une belle plume et tu as l’art de raconter les histoires de tes ancêtres. Encore merci pour cette lecture du soir ☺️.
Merci beaucoup Sébastien, ça fait plaisir ! Tu n’as pas à rougir de la tienne de plume non plus !
Je découvre votre article, et votre blog par la même occasion, grâce au stream de Brigitte… Et waw !! Super articles, superbes illustrations ! J’adore ! Merci beaucoup !
Merci pour ce commentaire enthousiaste 🙂
Bonjour,
Je découvre votre article ce jour… avec un immense plaisir chère cousine !
Barbe PAYET fut en effet une femme incroyable; d’autant qu’à son époque, très peu de femmes menaient « des affaires ».
Je m’interroge sur son changement de domicile entre St Paul et St Pierre (St Louis étant un quartier de St Pierre à ce moment).
Enfin, j’avais lu (dans un extrait d’un livre de Jean Barrassin) que François LALLEMAND a été inhumé dans la chapelle érigée par Barbe PAYET. Confirmé par l’ANOM, St Louis 1779 vue 3/7.
Il va de soit qu’elle doit y être aussi en tant que fondatrice.
En 2016, j’ai pu obtenir le mariage de ma fille dans cette chapelle. Beau clin d’œil à notre ancêtre.
Bonjour et merci pour votre message très encourageant.
J’ignore aussi la raison pour laquelle Barbe PAYET a quitté Saint-Paul pour Saint-Pierre.
Il existe un livre de Jules HERMANN intitulé « Colonisation de l’île Bourbon & fondation du quartier de Saint-Pierre ». Je ne l’ai pas lu, mais il contient peut-être des éléments de réponse.