Le 3ème samedi du mois, Guillaume Chaix @grenierancetres nous invite à prendre place dans une capsule temporelle et à partir à la rencontre de l’un de nos ancêtres pour capturer un instant de sa vie. Ce voyage dans le temps est basé sur des faits historiques mais laisse nécessairement une part importante à l’imagination. Toute ressemblance avec des personnes et des situations ayant existé est donc purement volontaire !
Ma chère descendante, j’ai une drôle d’histoire à te raconter, tu n’as pas fini de t’étonner de ta lignée. Viens donc t’asseoir près de mon lit, je n’en ai pas pour longtemps rassure-toi.
Mon histoire, là voici. Nous sommes le jeudi 12 mai 1729 et c’est le plus beau jour de ma vie. Tu tombes à pic, je vais me marier aujourd’hui.
Il était temps.
Regarde comme Marie est belle dans sa robe. C’est ma cousine, mon père et sa mère sont frère et sœur. Nos parents sont consentants et Criais, ce vicaire de Monseigneur l’Archevêque de Paris, nous a accordé la dispense de consanguinité. L’enfant est là, nous ne reculerons pas.
Je peux à peine distinguer Marie depuis mon lit mais dans un élan désespéré, j’essaye de la fixer du mieux que je peux, je veux la garder à jamais en mémoire, car demain, je le sais, demain à la même heure, je serai mort. Je le suis déjà un peu. À cette heure, le royaume des morts me semble en effet plus proche que celui des vivants. Inexorablement, la maladie me ronge à mesure que la matinée s’écoule.
Combien me reste-t-il ? Quelques heures tout au plus pour épouser ma cousine Marie et pour reconnaître mon fils bien aimé, mon François dont je ne verrai jamais le premier anniversaire. Je n’en réchapperai pas, moi pas plus que les autres pauvres diables qui agonisent en ce moment même sur cette île. Sur mes 8 frères et sœurs, 6 sont morts en cette terrible année 1729. Mes parents aussi ont succombé. Sais-tu combien de DENNEMONT ont survécu ?
Dire que l’on va nous donner la bénédiction nuptiale sur mon lit de mort, Marie aurait sans doute mérité un meilleur mariage. Que faire ? Je ne fuirai pas mes responsabilités et elle non plus.
Elle est encore jeune et à 22 ans, elle retrouvera vite un homme honnête qui prendra soin de mon fils, c’est mon seul souhait. Je lui fais promettre de bien l’éduquer et de le mettre à l’abri rapidement de l’épidémie. M’a-t-elle entendu ? M’a-t-elle compris ?
Mes témoins font pâle figure autour de mon lit et ce maître-chirurgien me semble très inquiet. Julien BARET, Mathieu NATIVEL, Julien LÉPINAY et Gilles DENNEMONT, les voici témoins de mon mariage et de mon trépas.
Rends-toi compte, j’ai reçu le sacrement de l’extrême onction avant le sacrement du mariage. J’en ris mais ce n’est pas drôle. Les choses vont de travers depuis quelques temps, Dieu châtie les pêcheurs les uns après les autres. Et de pêchés, j’en ai commis beaucoup vois-tu, mais comme nous tous ici. Je ne suis ni pire, ni meilleur. Vient donc enfin le temps du châtiment et je suis prêt. J’ai beaucoup souffert déjà mais les heures qui viennent ne présagent rien de bon. J’espère que cela ne durera pas trop longtemps, juste assez pour que Marie puisse tout mettre en ordre. Malgré son jeune âge, elle est brave et mes amis l’aideront, j’ai confiance.
Il a eu tort. François DENNEMONT décèdera 5 heures seulement après la célébration de son mariage. Il sera inhumé le lendemain, le 13 mai 1729, dans le cimetière de la Ravine Sèche, paroisse de Saint-Louis, Île Bourbon.
Le 19 septembre 1729, un arrêt du Conseil Supérieur de l’Île déclarera finalement nul ce mariage célébré in extremis.
Oh comme cette histoire est triste !
J’ai relu plusieurs fois pour être sûre que le nouveau marié, le jeune père le cousin et le décédé étaient la même personne. Pauvre petite Marie qui a mis au monde son enfant déjà orphelin. Heureusement que les parents ont su l’entourer puisqu’ils étaient consentants !
C’est magnifiquement écrit. Bravo !
On peut se demander si ce sont les circonstances particulières de l’époque qui ont engendré ces comportements pas très charitables. A la date du 19 Septembre où est signé cet arrêté, François Dennemont, ses deux parents et 6 de ses frères et soeurs, un beau-frère, une belle-soeur ont été emportés par la variole. Restent 2 frères, Pierre-Louis DENNEMONT 19 ans et Marguerite 13 ans, 4 neveux et nièces orphelins âgés de 7 mois à 8 ans.
Bravo pour ce témoignage généalogique! Quelle tragédie! Et qu’est devenu le petit François? Puisqu’il est le héros de cette histoire, c’est qu’il a eu une descendance, mais comment a-t-il vécu? Sa mère s’est-elle (re) mariée?
Avec toutes mes amitiés..chère auteur!